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Nous dirigeons-nous vers une récession mondiale?

Sommes-nous déjà à la veille d’une récession?

Juin 2022

Points à Retenir

  • Les récessions prennent toujours les gens par surprise et sont rarement prédites.

  • L’éclatement de la bulle technologique nuira au moral des investisseurs et aux perspectives économiques, mais un ralentissement similaire à la période 2000-2002 n’est pas à prévoir.

  • L’argent hypothétique n’est plus dans le coup mais les fondamentaux sont bien là. Le marché continuera de récompenser les secteurs qui peuvent démontrer leurs rendements dès maintenant plutôt que ceux dont la croissance future est seulement prévisible.

Avec le recul, payer des millions de dollars pour le portrait numérique d’un singe n’est peut-être pas la stratégie la plus prudente. Même chose pour les actions de startup sans but lucratif, les crypto-monnaies aux noms de chien et même un certain fabricant de voitures électriques dont la valorisation atteint les mille milliards de dollars (et qui s’est déjà élevée à plus que les dix plus grands fabricants automobiles mondiaux réunis et dont le PDG a marché sur l’eau). Le marché a ramené un à un sur terre tous les actifs du secteur technologique. 

Mesdames et messieurs, bienvenue de l’autre côté de la bulle technologique. Pour ceux qui, comme nous, ont passé l’an dernier à regarder mal à l’aise un crescendo de débordements, nous partageons votre douleur. Ç’a été tout un spectacle. Mais cela a toujours été censé se terminer ainsi : brusquement et sans crier gare.

En repensant à la décennie morose des années 2010, tout actif qui laissait présager une croissance plus élevée a fait l’objet d’une offre régulière. Mais dans l’écume de chaque boum, la réalité se confond avec l’hypothétique fantaisie. Les prévisions deviennent plus audacieuses. Les promoteurs rivalisent pour promettre un avenir toujours plus radieux. À la fin de cet emballement du marché, rien n’est impossible.

Maintenant, nous venons d’assister à un point culminant naturel du boom technologique qui a commencé en 2009, puis qui a enflé pendant la pandémie. L’histoire vient de tourner à 180 degrés.

Mon propos n’est pas du genre « Je vous l’avais bien dit ». Nous avons soufflé bien trop de bougies d’anniversaire pour revendiquer un don de voyance infaillible. Nous sommes plutôt aux prises avec les retombées immédiates et l’immense destruction de richesses de cette bulle dans un climat de marché en évolution rapide. C’est pourquoi la grande question de la récession est si importante. Pour que le ralentissement actuel du marché se prolonge, nous devons également assister à un ralentissement substantiel de l’activité économique. Les marchés baissiers généralisés ne sont tout simplement pas courants en dehors des récessions.

La récession la plus prédite de l’histoire

Une préoccupation cruciale est que l’effondrement technologique actuel est une autre version du crash des dotcoms de 2000-2002. À l’époque, la première baisse de 30 % du Nasdaq a entraîné un autre effondrement de 68 % au cours des deux années suivantes et une vilaine récession. Mais il existe des différences notables entre 2000 et 2022. Contrairement à l’ère des dotcoms, bon nombre des entreprises technologiques cotées en bourse les plus précieuses aujourd’hui sont de véritables entreprises – elles fabriquent et vendent des choses que les gens aiment et font ainsi des profits. Bien que les FANGs aient toutes vu le cours de leurs actions chuter cette année, cela ne signifie pas que ces entreprises vont disparaître, mais simplement que les investisseurs ne croient plus en leurs perspectives de croissance mirobolantes et aux valorisations qui les accompagnent. C’est très différent de l’ère des dotcoms, où des milliers d’entreprises ont tout simplement cessé leurs activités : leur valeur actionnariale a disparu et l’économie s’est effondrée.

Une autre inquiétude majeure est que l’économie mondiale est déjà en récession, ou qu’elle est imminente. Les commentateurs sur l’internet ne manquent pas de clamer la nouvelle. Mais il y a un creux flagrant dans cet argument : aucune donnée concrète ne démontre encore un sérieux ralentissement de l’activité. La récession n’est encore qu’une théorie. Oui, de nombreux vents contraires sont apparus : le crash technologique affaiblissant potentiellement les marchés du travail, les perspectives de croissance de la Chine freinées par les confinements, les bénéfices des entreprises amputés par la hausse des salaires, les ménages confrontés à la flambée des coûts de l’énergie et, le plus inquiétant, la volonté de la Fed de serrer les freins pour juguler l’inflation.

Mais nous n’assistons pas encore à un ralentissement important de l’activité qui signalerait une récession imminente. La consommation est toujours en croissance. Le marché du travail reste robuste. Les dépenses en capital sont positives.

Aujourd’hui, c’est certain, la croissance mondiale ralentit. Cela ne devrait pas être surprenant après que la matrice de toutes les plongées et remontées en forme de V nous sorte du creux pandémique. Mais ce n’est pas une reprise normale et la pandémie n’est pas terminée. Différents pays se normalisent selon différents calendriers. Les données sont encore un peu brouillées.

Mais une forte contraction économique similaire à celle de 2000 ou de 2008 est peu probable. Aujourd’hui, nous n’avons tout simplement pas les mêmes déséquilibres économiques et financiers qui ont précédé ces épisodes. La décennie qui a suivi 2008 a été une longue période de réduction de la dette, de nettoyage des excès et de réparation globale du système financier. Cette fois-ci, les facteurs structurels plaident en faveur d’une modération de la croissance, peut-être même d’une baisse modeste pendant environ deux trimestres, mais pas pour une véritable crise financière.

La dernière observation négligée est que plusieurs dynamiques pourraient devenir positives dans les mois à venir. D’une part, le renfermement de la Chine ne durera pas éternellement. Et discrètement, Pékin a régulièrement assoupli sa politique monétaire et budgétaire au cours des derniers mois. Le deuxième plus grand pays du monde se prépare à une période de croissance beaucoup plus forte dans la seconde moitié de 2022.

D’autre part, et plus important encore, les habitudes de consommation des ménages évoluent rapidement. La faiblesse des dépenses en biens se traduit maintenant par une vigueur des dépenses en services. Cet été sera la première occasion pour beaucoup de traverser un monde moins restreint – de se livrer à une envie de voyager longtemps réfrénée. Le trafic touristique va monter en flèche cette année et les achats de biens vont baisser. Ce qui précède est une dynamique cruciale pour l’inflation. Jumelée à l’accumulation des stocks et aux commandes excessives, la pression sur les chaînes d’approvisionnement s’atténuera et l’inflation modérera à partir de là (ce qui allégera l’appel aux banques centrales d’augmenter les taux).

En additionnant tout ce qui précède, la croissance pourrait en fait s’accélérer jusqu’en 2023. Les investisseurs, assoiffés de bonnes nouvelles, en raffoleront.

Conséquences en matière d’investissement

Les derniers mois ont vu l’une des pressions les plus fortes et brutales incitant à vendre dans l’histoire du marché. Il faudrait remonter aux années 1930 ou 1970 pour assister à une telle destruction de valeur et à une absence totale d’actifs qui poussaient à la baisse.

Bien sûr, l’éclatement de la bulle technologique est une thèse toujours valable. Les valorisations sont encore exorbitantes, l’histoire continue et il y aura encore probablement du dégraissage. Mais il y a également eu des liquidations aveugles, le marché étant occupé à évaluer les prix pour une récession à venir dans toutes les catégories d’actifs. Pourtant, les marchés ne peuvent pas continuer à prédire une récession si elle n’est pas validée par l’économie réelle.

La réalité est que nous venons d’assister à l’une des restaurations de valeur les plus rapides de l’histoire. Les rendements sont beaucoup plus élevés, les valorisations des actions sont beaucoup plus faibles. Les perspectives de rendement futur semblent désormais plus brillantes.

Mais soudain, les rêves fantaisistes se sont évanouis et les fondamentaux sont bien là. Les investisseurs ne sont plus obsédés par la quête de l’île au trésor. Ils sont plutôt de plus en plus intrigués par des choses aussi étranges que la croissance régulière des bénéfices, des bilans solides et, surtout, des liquidités. Le marché continuera de récompenser les secteurs qui peuvent offrir du rendement dès maintenant plutôt que de vagues promesses en 2030. Autrement dit, le monde revient à la réalité. Les investisseurs ne doivent pas perdre cela de vue lorsqu’ils définissent leur portefeuille d’actifs. 

 

TYLER MORDY

Chief Executive Officer & Chief Investment Officer

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