Demandez À Forstrong 

Moments Charnières : Les Marchés Sont-Ils En Train De Former Un Creux?

OCTOBRE 2022

Demandez à Forstrong : les marchés boursiers mondiaux pourraient-ils avoir atteint leur plancher?

Points à retenir :

  • Les marchés baissiers sont épuisants pour les investisseurs, même les plus patients. 

  • Pourtant, contrairement aux prédictions désastreuses d’aujourd’hui, les conditions sont réunies pour que le marché ait touché le fond. 

  • Pour les investisseurs dont l’horizon s’étend au-delà de six mois, le risque devrait être systématiquement additionné lors des chutes du marché. La clé est de reconnaître le changement de leadership du marché en cours : nous connaissons un renouveau séculaire des classes d’investissement tangibles dans l’économie réelle.

« Ne vous êtes-vous pas amusé? », a récemment riposté Elon Musk à un journaliste qui remettait en question ses tweets en série et, souvent, son indulgence imprudente à l’égard de la plateforme. Mais la raillerie du milliardaire pourrait facilement s’appliquer aujourd’hui à la situation générale des affaires mondiales : divertissantes, oui, mais aussi nerveuses, agitées et même carrément désagréables. Les histoires toxiques font les gros titres depuis si longtemps que la plupart d’entre nous ne sourcillent plus face à la folie. 

Un rapide survol des nouvelles internationales en est la preuve. Le gouvernement britannique nous donne un cours magistral sur la façon de ne pas faire de politique. L’incursion de Mark Zuckerberg dans le métavers a fait mal à voir — et lui a coûté cher dans le monde réel. Rivian, l’entreprise de camions électriques haut de gamme soutenue par Amazon, vient de rappeler tous ses véhicules en raison d’un défaut curieux (« un écrou desserré », a déclaré le PDG). Et comme si la politique de la corde raide de Vladimir Poutine n’était pas suffisante, le choc de l’inflation est maintenant au cœur de toutes les conversations dans la plupart des pays. 

Le chaos est semble-t-il le nouvel ordre mondial. L’art de colorier sans dépasser les lignes semble appartenir au passé. Et, en ces temps de plus en plus déjantés, l’histoire est devenue un guide tout à fait inutile, laissant les investisseurs en quête désespérée d’une prévision stable.

Qu’est-ce qui peut bien s’en venir? Notre équipe de placement vient de terminer notre 80e forum de placement trimestriel (eh oui, certains d’entre nous le font depuis très longtemps et, en effet, certaines années sont plus amusantes que d’autres). Comme prévu au cours de cette séance, les crayons étaient bien aiguisés et les yeux grands ouverts. Il devrait être maintenant bien clair que ces dernières années, plutôt que d’être une aberration, annoncent un profond changement dans la trajectoire de l’économie mondiale. Et c’est un changement de génération, au même titre que la montée des politiques keynésiennes après la seconde guerre mondiale ou la mondialisation qui s’est accélérée au début des années 2000.

Le changement de régime inflationniste entraîne des cahots

L’inflation est au cœur de ce grand bouleversement. Les prix mondiaux augmentent désormais à un rythme à deux chiffres pour la première fois en près de quarante ans. Bon nombre ne l’avait pas vu venir. En fait, dans les années 2010, un solide consensus voulait que l’inflation et la croissance resteraient constamment faibles pour des raisons structurelles. Une démographie et une productivité plutôt calmes maintiendraient la croissance au ralenti, tandis que la mondialisation et la numérisation restreindraient l’inflation.  

Tout cela s’est avéré faux. Il semble bien, finalement, que le monde des pays développés peut générer de l’inflation. Oui, il a fallu une pandémie pour déclencher des actions extraordinaires : des renflouements, des mesures de relance sans précédent, ainsi qu’un arrêt complet de l’ensemble de l’économie mondiale puis sa réouverture. Et l’inflation est arrivée, suralimentée par la guerre en Ukraine. 

Pourtant, les impulsions inflationnistes ont aussi trouvé un soutien à plus long terme : une hausse structurelle des dépenses et des investissements publics. La population vieillissante qui a de plus en plus besoin de services de santé. L’Occident qui doit dépenser davantage pour la défense afin de contrer les menaces de la Russie et d’autres pays. Les changements climatiques et le besoin de sécurité énergétique stimuleront les investissements publics dans les énergies renouvelables. Et les tensions géopolitiques accrues poussent les décideurs à dépenser davantage pour leur politique industrielle. 

À première vue, cette perspective d’inflation élevée semble désastreuse. Mais en même temps, la croissance ralentit. Le FMI prévoit que l’année à venir connaîtra la croissance la plus faible depuis 2001. Leur chef économiste, Pierre Olivier Gourinchas, , prédit joyeusement que 2023 sera « l’heure la plus sombre » pour l’économie mondiale. 

Que de jolies perspectives. Et les marchés en ont pris bonne note. La destruction de richesses en 2022 nous a mis les larmes aux yeux. Peu importe le carnage complet de la cryptomonnaie (dernier spasme de la manie spéculative), l’effacement des SPAC ou sociétés d’acquisition à vocation spéciale (pourquoi avons-nous permis à des entreprises sans but lucratif et sans plans d’affaires cohérents d’arriver sur le marché?) ou même le naufrage annoncé de deux épaves favorites comme Netflix et Zoom. Les baisses de cette année dans un portefeuille simple et équilibré ont battu des records : un indice mondial d’actions et d’obligations réparti à parts égales a enregistré la plus grande perte de valeur jamais vue, dépassant facilement les baisses de la crise financière de 2008-2009 et de la pandémie de 2020. 

Le sentiment des investisseurs est-il aussi mauvais?

Les conditions financières restent rarement au même point longtemps. Les pendules du marché continuent leur course. Et, de toutes les grandes idées qui circulent – récession, démondialisation, pénuries d’énergie – aucune n’est aussi radicale que le concept selon lequel les marchés pourraient désormais former un creux durable. 

Pourquoi devrions-nous discuter d’un nouveau marché haussier alors que les perspectives semblent si sombres? La meilleure réponse est que le niveau de sentiment des investisseurs est désormais cohérent avec les anciens processus de formation d’un creux. Les marchés ne grimpent pas lorsque le sentiment des investisseurs est universellement pessimiste. Au contraire, les hausses surviennent lorsque tout le monde prédit un ciel toujours plus bleu et festoie comme en 1999. Les marchés ne tiennent pas compte de ce point de vue et les belles surprises sont bien rares. Par contre, les marchés haussiers naissent du pessimisme.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un moment de panique qui, à bien des égards, est bien pire que la crise financière mondiale de 2008. La confiance des consommateurs et des entreprises n’a jamais autant chuté en dix ans. Les investisseurs particuliers ont placé des sommes record dans les liquidités et les obligations à court terme. Même les pros se sont précipités vers les sommets, avec des allocations moyennes aux liquidités au plus haut depuis 2001 et des allocations aux actions mondiales à un niveau historiquement le plus bas (coup de chapeau au sondage des gestionnaires de fonds de la Bank of America).

Avec un tel pessimisme, les bonnes surprises peuvent provenir de plusieurs secteurs. La Chine, deuxième économie mondiale et moteur essentiel de la croissance mondiale, en est un bon exemple. Ses politiques de suppression de la Covid ont causé de graves dommages au segment le plus important de l’économie chinoise : le consommateur de la classe moyenne. Les investisseurs avaient espéré que les restrictions seraient levées lors des Jeux olympiques d’hiver de Beijing en février dernier. À la place, Shanghai a connu une fermeture brutale. Pourtant, le confinement ne durera pas éternellement. Hong Kong a vu un assouplissement des restrictions de quarantaine ces dernières semaines. Dans la mesure où Hong Kong est un terrain d’essai avant l’adoption de nouvelles politiques sur le continent, c’est encourageant. Une réouverture de la Chine serait extrêmement bénéfique pour les marchés et entraînerait une nouvelle performance des valeurs cycliques et des actions des marchés émergents exportateurs de matières premières. 

Qu’en est-il de l’Europe, région du monde qui présente certainement les pronostics les plus sombres? Il ne serait pas surprenant que l’Europe traverse l’hiver en combinant la combustion du charbon et les rationnements d’énergie (et un assouplissement général de toute considération ESG). Mais en regardant l’autre versant de ce creux, une tendance plus large est en jeu ici : la fin de l’austérité budgétaire des années 2010. De toute évidence, il n’y a plus d’appétit politique pour y retourner. En fait, les gouvernements sont pressés d’injecter encore plus d’argent dans leur économie afin de protéger le public de la crise du « coût de la vie ». Le récent « bouclier de défense » allemand de 200 milliards d’euros, qui soutient les entreprises importatrices de gaz, a éteint une fois pour toutes la notion de restriction budgétaire. Les politiques expansionnistes stimuleront la croissance au cours des prochaines années (même si les conservateurs budgétaires se boucheront le nez pendant un certain temps).

Moments charnières

Pourtant, de toutes les hausses surprises, aucune n’est plus vitale que celle des actions de la Réserve fédérale américaine. Voyons ce qui se passe ici. La Fed s’est trompée dans sa vision de « l’inflation comme transitoire » et elle se trompe probablement aussi dans sa politique. Pour être juste, elle n’a guère le choix. Restaurer sa crédibilité est maintenant son objectif principal pour corriger son erreur antérieure. Elle ne peut pas abandonner sa position belliciste jusqu’à ce que des preuves montrent que l’inflation est en train de baisser. La Fed est donc l’otage des données sur l’inflation, opérant sans cadre politique prospectif. 

Par contre, les investisseurs sont libres de prévoir ouvertement la trajectoire probable de l’inflation. Ici, des signent montrent que les mesures que la Fed a prises fonctionnent. Les marchés obligataires ont brutalement été réévalués. Les taux hypothécaires ont doublé. En l’espace de six mois, les conditions financières sont rapidement devenues les plus restrictives depuis plus de dix ans. 

Les aliments, le transport et le logement représentent 88 % de l’IPC récent. Chacun de ces secteurs montre une décélération de la dynamique des prix. Les matières premières ont effectué une correction. L’inflation des loyers est en fin de compte liée au marché de l’habitation. La chute des prix de l’immobilier conduira ici à une baisse de l’inflation. Fait encourageant, la redoutable spirale salaires-prix semble de plus en plus improbable. Tout cela ouvrira la voie à une tendance à la baisse de l’inflation sous-jacente dans les mois à venir et soulagera la Fed. C’est la base pour maintenir une vision des marchés constructive à moyen terme. 

Pourtant, bon nombre soutiendront que les cycles du marché n’ont pas atteint leur creux tant que les banques centrales ne sont pas profondément enfoncées dans leurs cycles d’assouplissement. C’est vrai. Les deux derniers grands marchés baissiers (2000-2001 et 2008-2009) n’ont atteint le fond que lorsque les taux d’intérêt ont atteint leurs creux cycliques – des niveaux suffisamment bas pour stabiliser la croissance économique. 

Mais le déclin actuel du marché est clairement différent de tous les grands marchés baissiers depuis la fin des années 1990. La principale différence est que ces épisodes se sont produits dans un contexte déflationniste. La baisse d’aujourd’hui se produit dans un environnement fortement inflationniste, ce qui rappelle davantage la chute du marché de 1973-1974. Dans des climats inflationnistes comme ceux-ci, les marchés baissiers sont principalement entraînés par la hausse des taux d’intérêt qui entraîne une baisse des multiples des actions. L’étroite corrélation négative entre les taux et les cours boursiers cette année renforce ce point de vue. Mais les marchés baissiers inflationnistes se terminent généralement lorsque la pression sur les prix culmine et que la majeure partie du resserrement monétaire a été intégrée dans d’autres classes d’actifs. Tout cela suggère que le marché baissier actuel est à un stade très avancé.

Implications en matière de placement

Les marchés baissiers sont des processus brutaux, impliquant de nombreux réessais, revirements et fausses sorties. Ils épuisent même les investisseurs les plus patients. Les endurer en temps réel peut être angoissant. Mais la patience est toujours richement récompensée. Les marchés ont déjà radicalement revu les prix : les rendements sont maintenant plus élevés et les valorisations sont beaucoup plus basses. Les rendements attendus du portefeuille devraient être beaucoup plus payants à compter de maintenant.

À l’horizon de 2023, le contexte macroéconomique sera complètement différent. D’ici là, l’inflation, bien qu’encore plus élevée qu’au cours de la dernière décennie, aura tendance à baisser et les banques centrales seront en attente. Les marchés regarderont au-delà des récessions légères. La clé pour les investisseurs est de reconnaître que les grands marchés baissiers annoncent toujours un changement de leadership du marché. L’éclatement de la bulle technologique mondiale n’est que le premier volet d’un thème plus vaste. Les tendances macroéconomiques de la dernière décennie ont été interrompues. La nouvelle combinaison d’une politique monétaire plus stricte et d’une politique budgétaire plus souple signifie une inflation plus élevée et une croissance nominale également plus élevée.

La grande opportunité d’investissement est une renaissance séculaire des classes d’investissement tangibles dans l’économie réelle, mettant fin à la domination des actions de croissance. Les investisseurs devront également rechercher des expositions à des secteurs qui ne dépendent pas de taux d’intérêt bas, mais sont susceptibles de bénéficier d’investissements publics plus élevés. Les matières premières et les actions de valeur, avec les faibles valorisations qui leur sont attachées, sont prêtes pour une longue période de performance. 

Chuchotez-le, mais un nouveau marché haussier se dévoile tranquillement.

TYler MORDY

Chief Executive Officer & Chief Investment Officer

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