Tableau De Bord Stratégique :

Le Pays Où Le Yen Se Relève

Q1 2023 – Fevrier

Au cours des 14 dernières années, nous avons parlé ad nauseam des implications des dispositions de la politique monétaire extrême mise en place par les banques centrales à la suite de la Crise financière mondiale. Des termes comme « assouplissement quantitatif » et « politique de taux d’intérêt nul » sont devenus une part intégrale du vocabulaire de l’investissement. Bien que la Banque du Japon (BoJ) n’ait pas été la première banque centrale à introduire des taux d’intérêt négatifs (cet honneur revient à la Banque centrale de Suède), elle a certainement été la plus « expérimentale » à ce niveau. Aujourd’hui, dans un contexte d’inflation au taux le plus élevé en 41 ans et avec le remplacement par Kazuo Ueda de Haruhiko Kuroda, le gouverneur de longue date de la Banque du Japon, un changement de cap est-il imminent?

Mais avant tout, examinons certaines politiques en place. Le défunt Shinzo Abe avait nommé Kuroda comme gouverneur de la Banque du Japon peu après avoir été élu Premier ministre dans les derniers mois de 2012. Le fameux plan économique d’Abe, « l’Abenomie » se composait de trois « flèches » : les mesures de stimulation monétaire, la relance budgétaire et la réforme structurelle. Kuroda avait pour tâche de lancer la première flèche. Les cibles de croissance et d’inflation s’étant avérées obstinément hors d’atteinte, la Banque du Japon est devenue progressivement plus « psychédélique ». Le bilan de la Banque du Japon a gonflé d’environ 365 % depuis 2013, le taux directeur du Japon est de -0,1 % depuis 2016, les achats d’actifs de la banque centrale se sont étendus au-delà des obligations gouvernementales aux obligations de sociétés, FNB et FPI du Japon, et une politique de contrôle de la courbe de rendement (CCR) a été mise en place à la fin de 2016 pour manipuler la courbe de rendement des obligations gouvernementales japonaises.

Avant qu’Ueda prenne la barre, le changement est déjà amorcé. En octobre dernier, le yen en chute libre a atteint un niveau d’inconfort pour les décideurs politiques japonais normalement en faveur d’une dépréciation. Selon le tableau ci-dessous, l’effondrement 2-sigma du taux de change JPY/USD a poussé le ministère de la Finance à intervenir dans les marchés des taux de change étrangers. Une volonté (ou peut-être un besoin impérieux) de laisser le yen reprendre de la valeur élimine un obstacle à la normalisation de la politique. La Banque du Japon a modifié les paramètres de contrôle de la courbe de rendement en décembre, augmentant la limite du rendement des obligations gouvernementales japonaises sur 10 ans de 0,25 % à 0,5 %. Ueda a lui-même exprimé le besoin pour la Banque du Japon d’élaborer une stratégie de sortie du contrôle de la courbe de rendement.

Mais avant que les lecteurs convertissent leurs comptes d’épargne en yen, il faut tenir compte de facteurs contraignants. Ueda, diplômé de MIT, n’en est pas à ses premières armes. Lors de son récent témoignage parlementaire, il a déclaré que l’inflation japonaise était principalement attribuable à l’augmentation des coûts d’importation plutôt qu’à une accélération de la demande nationale. La politique monétaire étant plus efficace pour ralentir la demande, il a fait valoir que la nécessité de changements significatifs aux paramètres de la politique actuelle était injustifiée. De plus, comme la Banque du Japon détient maintenant une proportion importante du marché dans nombre de classes d’actifs japonais, tout dénouement du bilan de la banque devrait se produire très lentement pour éviter une incidence démesurée sur les marchés.

Nous sommes d’accord avec Ueda… En grande partie. Les emmêlements de chaîne d’approvisionnement, la flambée des prix de l’énergie l’an dernier et la chute du yen ont en effet exacerbé l’inflation poussée par les coûts d’importation. Cependant, comme nous l’avons mentionné dans le dernier Ask Forstrong, les salaires nominaux ont augmenté au rythme le plus rapide en 26 ans et le rapport entre les nouveaux postes à temps plein et les demandeurs d’emploi est à son point le plus haut depuis le début des années 1970. De plus, la réouverture de la Chine (le plus important partenaire commercial du Japon) devrait fournir des facteurs économiques favorables dans la région Asie-Pacifique. Selon nous, la politique de la Banque du Japon la plus susceptible de tomber est le contrôle de la courbe de rendement, car elle a un fort effet de distorsion sur les marchés financiers nationaux. Le taux de change effectif réel du yen continuant de se situer à un niveau déprécié, la situation pourrait devenir plus intéressante si les régimes de retraite japonais et autres institutions commençaient à rapatrier en masse le capital en raison de l’amélioration des perspectives nationales. Cela crée une asymétrie intéressante pour le yen : la baisse étant limitée par sous-évaluation aiguë contre la possibilité d’une révision des prix en forte hausse. Gardez vos comptes d’épargne au même endroit pour le moment, mais envisagez d’ajouter l’exposition japonaise à vos portefeuilles!

 

ESPÈCES 

Les rendements en hausse des marchés monétaires et l’inflation qui plafonne rendent les espèces plus attrayantes comme moyen de compenser le risque associé aux actions et aux instruments à taux fixe. Cependant, les macroconditions deviennent également plus favorables pour les actions et les instruments à taux fixe. En conséquence, les espèces et leurs équivalents de trésorerie ont maintenu des taux presque neutres.

OBLIGATIONS

L’exposition aux obligations de société de courte durée et surpondérées reste notre position de préférence pour les instruments à taux fixe américains. Toutefois, le compromis entre le risque et la récompense concernant les prêts privilégiés américains à emprunteur hors catégorie a dérivé vers la négative, car leur structure à taux d’intérêt variable signifie que les émetteurs connaîtront un resserrement des flux de trésorerie beaucoup plus tôt que les émetteurs à taux d’intérêt fixe. L’exposition aux prêts à emprunteur hors catégorie a été liquidée et déplacée dans des obligations de sociétés américaines à taux fixe pour ce trimestre.

MARCHÉS DES ACTIONS

L’essor économique décélérera dans de nombreux pays alors que les conditions financières plus serrées réduisent la demande. Cependant, les marchés boursiers à la baisse ont tendance à toucher le fond bien avant l’économie et, à notre avis, toute contraction de la croissance a déjà été largement écartée dans plusieurs de nos marchés boursiers de préférence. Le positionnement en titres s’est maintenu à des niveaux surpondérés ce trimestre.

POSSIBILITÉS

Le ciel s’éclaircit au-dessus des titres chinois, alors que les problèmes du secteur de l’immobilier sont traités par des politiques macroprudentielles, les confinements liés à la COVID se relâchent et les décideurs politiques maintiennent une attitude accommodante. En dépit de la remontée des prix, les actions chinoises demeurent évaluées de manière attrayante par rapport aux niveaux historiques. Les titres chinois sont une occasion de choix dans les stratégies équilibrées et orientées sur la croissance ce trimestre.

Portrait of David Kletz, VP & Portfolio Manager of Forstrong Global.

David Kletz

Vice President, Portfolio Manager

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