Demandez à Forstrong
Le conflit entre Israël et le Hamas : les fonds liquides sont-ils désormais roi?
Octobre 2023
Demandez à Forstrong : Quelle conséquence auront les tensions renouvelées au Moyen-Orient sur les marchés financiers?
Points clés à retenir:
-
Si l’on examine les réactions du marché aux crises géopolitiques passées, la tendance est généralement la même : le cours des actions chute alors que les investisseurs évaluent le risque, mais se redresse rapidement après quelques mois.
-
Les crises fournissent d’importants signaux au sujet des dynamiques d’investissement changeantes. Le principal signal aujourd’hui est que les marchés d’obligations occidentaux ont perdu leur efficacité à titre de valeur refuge du marché.
-
Un nouvel ensemble d’actifs de « refuge sûr » s’établit, entraîné par le marché des produits de base et les obligations des marchés émergents. Les fonds liquides sont destinés à produire un sous-rendement prononcé.
En matière d’investissement, le climat n’a pas été aussi turbulent depuis les années 1970. La pulsion de mondialisation qui a défini l’économie mondiale depuis plus de deux décennies fluctue maintenant rapidement. De nouvelles barrières économiques entre les pays étranglent le commerce libre et sans friction qui a jadis circulé entre les frontières nationales. À la place, la fragmentation est devenue le mot à la mode aujourd’hui. Dans les marchés financiers, les obligations d’État américaines connaissent leur deuxième réduction continue en importance de l’histoire. Ailleurs, une Silicon Valley crachotante, cette machine technocapitaliste ravitaillée auparavant par des rondes de financement facile, a entraîné un écroulement des évaluations du marché privé. D’autres instabilités sont révélées à mesure que les taux d’intérêt grimpent.
C’est ce que Nassim Nicholas Taleb appelle la « fragilité », chaque problème en provoquant un autre en un ruban de Möbius de dysfonctionnement mondial. Et maintenant, le tragique déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas ne fait qu’enraciner cette tendance. Étant donné que le Moyen-Orient compte pour 32 % de la production mondiale de pétrole, les enjeux ne sauraient être plus élevés.
Le principal risque est que le conflit de Gaza s’étende à une guerre de plus grande envergure, entraînant dans son sein d’autres forces régionales comme le Hezbollah et potentiellement l’Iran. Dans cette dernière hypothèse, Israël chercherait probablement à détruire l’arsenal nucléaire de l’Iran, laquelle réagirait en bloquant le très important détroit d’Ormuz et saisirait le flux de pétrole vers les marchés mondiaux. Dans un tel scénario, les secousses ressenties par le marché feraient indéniablement écho aux chocs pétroliers des années 1970.
Comment les investisseurs devraient-ils réagir? Le problème est que la modélisation financière traditionnelle ne présente pas de capacité prédictive pour ces types d’événements. Les cygnes noirs, par définition, prennent tout le monde par surprise. Plutôt que de tenter de prédire l’un des nombreux dénouements qui peuvent se déployer — ce qui est impossible — les investisseurs seraient mieux servis en examinant les événements majeurs passés et leur incidence sur les marchés. L’histoire est très claire ici : les crises géopolitiques créent presque toujours des occasions d’achat.
Si l’on fouille les conflits territoriaux passés, l’on trouve une longue liste de remarquables rendements du marché. Les actions chutent presque toujours alors que les marchés évaluent le risque, mais elles se redressent fortement après quelques mois. Il s’agit là de la tendance classique « acheter la rumeur, vendre la nouvelle » où les menaces géopolitiques font augmenter l’incertitude et les risques de baisse (et par conséquent, se traduisent par des déclins du marché) tandis que les événements réels résolvent l’incertitude et entraînent des réponses de politique protectrice (lesquelles créent des redressements du marché). La Crise des missiles de Cuba en octobre 1962 a été une confrontation de 13 jours entre les États-Unis et l’Union soviétique. Elle est largement considérée comme l’événement de la Guerre froide ayant poussé les deux pays au bord du gouffre d’une guerre nucléaire totale. Cependant, une fois la Crise passée, le Dow Jones a grimpé de plus de 10 % cette année-là. Prenez la Guerre de Corée par exemple, lorsque le Nord a envahi le Sud. Ce conflit a duré de juin 1950 à juillet 1953. Pendant ce temps, le Dow Jones avait grimpé de 13,6 % sur une base annualisée. L’histoire regorge d’exemples semblables.
Revisiter la thèse de la pénurie d’actifs sûrs
Les crises géopolitiques fournissent d’importants signaux au sujet des dynamiques changeantes du marché. Plusieurs signes ont fait surface au cours de la crise actuelle. Mais ce qui est absent cette fois-ci est la ruée habituelle dans les marchés obligataires occidentaux « sûrs ». En effet, les marchés obligataires, de même que d’autres actifs à risque ont continué d’être vendus depuis le début du conflit le 7 octobre. Nous sommes en territoire inconnu et il s’agit de la même crainte dominante que celle qui a régné dans les années 2010 avec des rendements des obligations baissant à des niveaux records dans le monde développé, et au cours desquelles les investisseurs agonisaient face une « pénurie d’actifs sûrs ». Si les obligations d’État ne pouvaient produire un rendement acceptable, quels actifs y réussiraient?
De nos jours, un nouvel ensemble d’actifs de « refuge sûr » s’établit. Les plus évidents sont les produits de base. Dans un univers de chocs d’offre chroniques et des pressions inflationnistes qui y sont associées, les obligations deviennent des valeurs refuges inefficaces contrairement aux produits de base qui eux, deviennent hautement efficaces. Les investisseurs ne devraient pas s’étonner de constater que les marchés boursiers riches en ressources et les plus près de la zone de combat, de l’Arabie saoudite à l’Égypte en passant par les autres États du Golfe, n’ont connu que des replis modérés.
Mais les obligations des marchés émergents sont un refuge sûr moins évident et ont dépassé radicalement les rendements des obligations des marchés développés. Cela marque également un changement par rapport au passé. Lors des crises précédentes, les obligations des marchés émergents et leurs devises locales enregistraient toujours un rendement inférieur à celles des marchés occidentaux, tandis que les investisseurs fuyaient vers la sécurité du monde développé.
Il en est autrement maintenant en résultat direct des politiques mises en place pendant la pandémie. Un moins grand nombre de mesures de stimulation et des banques centrales plus proactives dans les marchés émergents ont eu pour conséquence une inflation moins élevée. En effet, ces dynamiques s’étendent à un grand nombre d’économies émergentes qui améliorent leur bilan et poursuivent une réforme structurelle en conséquence des leçons tirées des chocs vécus au cours des dernières décennies. Une plus grande robustesse des grands principes souverains, commerciaux et ménagers a eu pour effet de réduire leurs vulnérabilités externes. Pour emprunter une fois de plus les mots de M. Taleb : les nations émergentes ont augmenté leur « antifragilité ».
Pendant ce temps, la plupart des nations occidentales continuent de se débattre avec une série de blessures qu’elles se sont elles-mêmes infligées : déficits en hausse vertigineuse, niveaux élevés de dette souveraine et, en particulier, une stimulation excessive pendant la pandémie (et qui a raté complètement la pulsion inflationniste qui a suivi). Une inflation plus élevée plus longtemps reste ici le défi central à relever.
L’inflation étant largement maîtrisée dans la plupart des marchés émergents, nombreuses sont les banques centrales qui divergeront de la politique de la Réserve fédérale et commenceront à réduire les taux. En effet, plusieurs de ces nations ont déjà commencé à le faire, qu’on pense au Brésil, au Chili, à la Chine, au Pérou et à la Pologne. D’autres, notamment la Colombie, l’Indonésie et le Mexique suivront sous peu. Cette situation aussi est nouvelle, car les banques centrales des marchés émergents ont toujours traîné derrière la Réserve fédérale lors de l’assouplissement des cycles dans le but d’éviter une dépréciation de la monnaie et une nouvelle flambée des pressions inflationnistes. Pas cette fois. Dans une perspective, les triples vents contraires, soient des rendements réels plus élevés, la hausse des devises locales et des politiques monétaires plus souples appuieront un rendement supérieur continu des obligations des marchés émergents — agissant à la fois comme refuge sûr et actif à risque.
Implications en matière d’investissement
Au moment où presque tous les fils de nouvelles révèlent que le monde est plongé dans une période sombre — que ce soit en raison de la hausse des taux d’intérêt ou de la couverture du conflit entre Israël et le Hamas — les investisseurs s’enfuient vers les hauteurs. Les données EPFR du pisteur de flux montrent que les investisseurs ont versé jusqu’à présent plus d’un billion de dollars dans les fonds mondiaux du marché monétaire en 2023.
Cela est partiellement compréhensible. Les fonds liquides sont tentants. Avec des taux d’intérêt des fonds liquides canadiens ayant atteint des sommets sur 22 ans, pourquoi ne pas éviter la volatilité associée à d’autres actifs à risque?
Mais les investisseurs devraient lutter contre cette tentation. Maintenant plus que jamais auparavant, il est peu probable que les fonds liquides règnent. Pourquoi? Avant tout, parce qu’ils enregistrent rarement des rendements supérieurs sur une période quelconque à moyen terme. En effet, il s’agit de la classe d’actifs enregistrant le pire rendement sur toutes les périodes à long terme que vous pouvez examiner. Tenter d’étalonner les menaces géopolitiques en se cachant dans les fonds liquides comporte également des risques. En effet, cette concentration étroite sur un seul type de risque est spéculative au mieux et dépend de l’exécution quasi parfaite de deux actions tactiques pour le portefeuille. L’une consiste à sortir du marché au bon moment et la seconde, à y revenir au moment propice. Au mieux, la première décision est difficile. La deuxième étape est souvent ignorée.
Deuxièmement, les fonds liquides enregistrent en général des rendements inférieurs lorsque les cycles de hausse des taux des banques centrales prennent fin. Nous sommes sur le point d’atteindre ce point pour de nombreuses banques centrales dans le monde. Enfin, le sentiment général des investisseurs est complètement éliminé. Nous sommes une fois de plus à une période où le monde peut produire des surprises positives. Les fonds liquides semblent fréquemment un pari sûr. Mais les rendements prospectifs d’un portefeuille équilibré mondialement, avec ses évaluations plus faibles et ses rendements plus élevés, n’ont jamais été plus attirants depuis des décennies. Lorsque les choses s’effondrent, elles rentrent souvent dans l’ordre pour les investisseurs qui voient loin.