Demandez à Forstrong :
Regardez ailleurs
(et vous manquerez le prochain boum en Asie-Pacifique)
février 2023
Demandez à Forstrong : Que signifie la réouverture de la Chine pour les investisseurs mondiaux, en particulier dans le contexte de tensions géopolitiques renouvelées?
Points clés à retenir :
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Les tensions persisteront concernant le ballon chinois abattu par les États-Unis.
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Et pourtant, pour les investisseurs, l’événement plus important est le boum de la croissance qui se déploie discrètement dans la région Asie-Pacifique.
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À mesure que la confiance augmente dans le cycle économique asiatique, on peut s’attendre à un tsunami de rapatriement des capitaux dans la région. Les marchés mondiaux des placements ne sont pas près d’en tenir compte.
Parce que les gens regardent ailleurs en 2023. Jetez le blâme sur le ballon-espion chinois qui a dérivé au-dessus du Montana et dans la conscience publique. Jetez le blâme sur les allusions du président Powell de la Réserve fédérale aux taux finaux plus élevés, ou encore sur les déclarations d’intention vides à Davos (qui ont l’air beaucoup moins importantes au niveau de la mer). Quel que soit le cas, le monde porte une attention soutenue aux événements ci-dessus.
Nul ne doute que les risques géopolitiques sont élevés. Après une brève détente dans la relation bilatérale la plus déterminante dans le monde, les tensions entre la Chine et les États-Unis se resserrent. Ces derniers temps, nous avons eu l’impression de revivre la Guerre froide et il semble que nous sommes à quelques objets volants près de frôler la catastrophe.
Mais ne nous méprenons pas : le champ de l’attention des gens est court de nos jours. À l’ère de TikTok et des vidéos à portée virale, les conséquences peuvent être instantanées. L’humeur des investisseurs peut changer abruptement. Plus que jamais auparavant, l’astuce consiste à trier ce qui mérite d’y porter attention de ce qui est futile. C’est une question à laquelle cet auteur a dévoué plus deux décennies de réflexion (depuis la semaine dernière, officiellement 20 ans dans l’équipe de Fortstrong).
Pour de nombreuses personnes (à leur grande surprise et souvent à leur déception), les marchés financiers se sont révélé non pas l’étude de statistiques et de formules, mais celle de l’engouement des investisseurs pour des histoires et leur capacité d’imagination illimitée à y croire. Et pourtant, la plupart des histoires ne font du bruit que sur une courte période, comme un spectacle de foire qui détourne l’attention de l’événement principal.
Cela signifie habituellement que les faits connus ne valent pas la peine d’en prendre connaissance; ce sont les vérités inexplorées qui vous font faire de l’argent. Mais leur découverte exige une attention à long terme, laquelle fait nettement défaut au monde moderne. De plus, la réflexion à long terme peut être difficile à maintenir dans un paysage infini d’histoires tragiques en ligne, sans oublier d’éviter les photos de vacances et des enfants modèles de votre meilleur ami.
Il y a toutefois des zones d’intérêt à explorer. Pour ceux et celles qui examinent les faits sur le terrain à l’heure actuelle, l’événement le plus important ne concerne pas les dirigeables errants ou autres drames aériens (soyons francs : la Chine et les États-Unis s’espionnent mutuellement depuis des années), mais plutôt le boum de la croissance qui se déploie discrètement dans la région Asie-Pacifique.
Il s’agit là d’un virage remarquable. À la suite du 20e Congrès du parti de la Chine en octobre 2022 et avant « l’ère du ballon », le consensus était particulièrement pessimiste. Nombreux étaient ceux et celles qui croyaient que la Chine allait être en confinement permanent. La répression dure de Beijing exercée sur les promoteurs immobiliers et le démantèlement des grandes sociétés technologiques limiteraient à perpétuité le secteur privé. La plupart des gens ont cru que le pays était sur la voie d’une autodestruction irréversible.
Depuis, Beijing a étonné tout le monde en mettant soudainement fin à presque toutes les restrictions liées à la COVID mises en place dans les trois dernières années. Mais on s’attend toujours à peu de choses du pays. Il ne faut pas s’en étonner, car la Chine a constamment déçu les investisseurs au cours des dix dernières années. Toutefois, ceux-ci sous-estiment maintenant son potentiel de reprise. Ils ont tort. En quelques semaines à peine, plus de 80 % de la population chinoise a été infectée par le variant Omicron. Le résultat : l’immunité collective a été rapidement atteinte et la réouverture de la Chine se produit à un rythme beaucoup plus rapide que les épisodes dans d’autres pays. Les mesures de mobilité, de congestion routière et d’autres activités quotidiennes ont grimpé en flèche. De plus, le démantèlement rapide des restrictions liées à la COVID a libéré la demande refoulée des ménages, lesquels ont accumulé de massives économies pendant la pandémie. (Pour en savoir plus sur la dynamique d’ouverture de la Chine, consultez l’analyste de Forstrong et l’étoile montante Shibo Gu qui en discute ici).
Les politiques changeantes de la Chine
Cependant, l’histoire ne s’arrête pas à la dynamique de réouverture post-COVID. À l’appui d’un essor plus puissant, notons le pivot plus important de Beijing vers une politique plus favorable à la croissance. Sans doute humiliés par une série de bévues politiques de la taille d’un dirigeable (Oups! Je ne pouvais pas m’en empêcher) et par le ralentissement de la croissance au cours des dix dernières années, les décideurs politiques chinois ont fait volte-face pour adopter une approche incitative. Le secteur de l’immobilier, qui s’est écroulé sous une répression politique draconienne l’an dernier, fait maintenant figure de pilier de croissance majeur aux yeux des autorités chinoises en bénéficiant de nombreuses initiatives de financement et de soutien administratif.
Les décideurs politiques reconnaissent également que leur démantèlement réglementaire a porté un dur coup à la confiance des entreprises. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles le relâchement politique de l’an dernier a échoué à stimuler la dépense en immobilisations et la demande de crédit. La priorité est maintenant de restaurer la confiance des entreprises. Ces circonstances provoqueront une brusque reprise de l’économie chinoise et le pays fera de nouveau la plus importante contribution à l’économie mondiale en 2023.
Si vous croyez avoir déjà vu ce scénario, vous avez raison. Après la crise financière asiatique à la fin des années 1990, l’économie chinoise a contribué à stabiliser la région. Puis, en 2003, la Chine a stimulé l’économie pour surmonter la crise du SRAS et a aidé à faire grimper encore plus la croissance mondiale. Mieux encore, après la crise financière mondiale de 2008, les mesures incitatives de la Chine ont contribué à stabiliser l’économie du monde entier.
Les circonstances actuelles restent tout de même étranges, et ce, tout simplement parce que la Chine se trouve à un stade très différent de son cycle de profit par rapport aux autres bourses mondiales majeures. En raison des taux d’intérêt plus élevés, l’Occident se dirige vers un ralentissement des bénéfices. Pourtant, les bénéfices en Chine se sont déjà contractés de 30 % par rapport à l’an dernier (à égalité avec l’un des pires reculs de bénéfices depuis la crise financière asiatique). Ils s’amélioreront maintenant rapidement à mesure que l’économie accélère de nouveau. C’est le point idéal pour les titres chinois : des multiples en déclin, des bénéfices en voie d’amélioration et un contexte politique se tournant vers une approche incitative.
Près pour le décollage en Asie-Pacifique
Ailleurs en Asie, d’autres pays prendront leur envol, car ils profiteront du redressement du cycle économique de la Chine. La plupart des nations d’Asie-Pacifique — et de fait, la plupart des marchés émergents — sont intégrées étroitement à la chaîne d’approvisionnement de la Chine ou sont des producteurs de produits de base. Étant donné que la Chine est le plus grand consommateur de matières premières, son cycle de demande stimule les principaux prix des intrants et des produits de base mondiaux. Historiquement, les cycles économiques de la Chine ont aussi entraîné des bénéfices en capitaux propres dans ces régions. Les choses ne seront pas différentes cette fois.
Prenez l’exemple de la Corée du Sud. Les semiconducteurs, l’une des principales exportations du pays, continuent de subir un effondrement de la demande depuis le milieu de 2019. Il s’agit pourtant d’un produit durable et qui connaît un cycle de remplacement relativement prévisible tous les 36 à 48 mois. La Chine est également le plus gros consommateur de semiconducteurs. Nous devons nous attendre à une remontée des profits en Corée du Sud au cours de la prochaine période.
Même le Japon, un pays pris dans des taux d’intérêt nuls et perverti par un contrôle de la courbe du rendement, profitera énormément de la relance en Chine. Nombreuses sont les personnes qui se sont laissées distraire par la nomination de l’économiste universitaire Kazuo Ueda pour succéder à Haruhiko Kuroda, le gouverneur de longue date de la Banque du Japon, et par les implications de cette nomination pour les paramètres futurs de la politique monétaire. Cela est aussi une distraction. Ueda hérite maintenant des conditions macroéconomiques suivantes : une inflation au taux le plus élevé en 41 ans, des salaires nominaux à la croissance la plus rapide en 26 ans et le rapport entre les nouveaux postes à temps plein et les demandeurs d’emploi est à son point le plus haut depuis le début des années 1970. La hausse des revenus et de l’emploi a été l’élément manquant depuis l’éclatement de la bulle des prix des actifs au début des années 1990. Ces dynamiques entraîneront maintenant une forte dépense en immobilisation — un cycle vertueux qui entraînera enfin une vitesse d’évasion pour l’économie japonaise. Toute personne dirigeant la Banque du Japon sera forcée de se détourner du relâchement massif qui a caractérisé les années Kuroda pour se tourner vers un changement de régime politique de normalisation des taux d’intérêt.
Toutes ces conditions se sont produites au Japon pendant le confinement de la Chine. Que se passera-t-il lorsque l’accélération de la Chine amplifiera l’économie du Japon? Nous assisterons au retour de la confiance. Les capitaux intérieurs, ayant ignoré longtemps les possibilités de leurs propres marchés, commenceront à revenir au pays. En effet, cela se produit déjà. Les mégabanques et les groupes d’assurance de Tokyo, ayant perçu un changement de régime, ont vendu leurs obligations étrangères à un rythme record l’an dernier. Avec une profonde sous-évaluation du yen et de faibles évaluations des titres boursiers intérieurs, nous pouvons nous attendre à ce que le rapatriement des capitaux se poursuive et que les mêmes dynamiques se déploient à l’échelle de la région Asie-Pacifique.
Implications en matière d’investissement
Les mesures du climat du marché envoient en ce moment des signaux contradictoires et qui portent à confusion. Le pessimisme quasi universel observé à la fin de 2022 et selon lequel notre équipe d’investissement avait conclu que les conditions étaient désormais présentes pour toucher le fond du marché. Mais celles-ci ne sont plus en place et l’argument n’est plus aussi convaincant. En même temps, les investisseurs continuent de poursuivre les ralliements de favoris du confinement et de tout ce qui touche à la technologie (conseil de pro : ne le faites pas, les conditions macroéconomiques de la dernière décennie ont été trouées et il serait très inhabituel pour l’ancienne direction de continuer de la sorte).
Ajoutez la dynamique associée aux dirigeables pour faire trembler le monde et de nombreuses personnes pourraient avoir le vertige. Les investisseurs ne devraient toutefois pas être soufflés hors cours et compliquer à l’excès les conditions actuelles : L’Asie accélère alors que l’Occident ralentit à des « taux plus élevés pour un enfoncement plus long ».
Dans ce contexte désordonné d’inflation volatile et de divergences en matière de croissance mondiale, les investisseurs devraient rester orientés stratégiquement vers la reprise qui se déroule autour du cycle économique chinois en investissant dans des marchés de titres asiatiques choisis. Par contre, les investisseurs n’ont plus besoin de jouer les héros avec les actifs des marchés établis — en restant avec des obligations de sociétés de courte durée produisant un rendement de près de 6 % et des actions de courte durée, y compris le secteur des ressources qui est prêt à payer de très forts dividendes aux actionnaires, qui produiront de robustes rendements sans prendre de risques inutiles.
Autrement dit, l’Asie fournira de manière stratégique la croissance des portefeuilles alors que l’Occident fournira un revenu stable. Cela signifie que les rendements des placements en 2023 profiteront davantage d’une inactivité contrôlée que de mouvements audacieux sur le damier. Les investisseurs devraient se positionner de cette façon en continuant à se tourner vers l’avenir.