L’été cruel de la Chine:
Crée-t-il des occasions de placement?
Août 9, 2021
Question pour Forstrong : Que pensez-vous de la nouvelle réglementation des autorités chinoises?
Points Clés à Retenir:
-
La réglementation adoptée récemment par les autorités chinoises ne devrait pas avoir surpris les investisseurs. Ces initiatives ont été abondamment annoncées des mois à l’avance.
-
Il est désormais évident que la Chine trace sa propre voie. De plus en plus, les investisseurs doivent se faire une opinion sur la Chine : le pays va demeurer le marché qui enregistre la plus forte croissance dans à peu près tous les secteurs d’activité dans un avenir prévisible. Une nouvelle page d’histoire marque le début du siècle asiatique..
-
Les investisseurs devraient tirer la même leçon de la récente débâcle de la Chine : le marché boursier chinois est grandement influencé par la politique. Et, le plus récent épisode a créé d’autres occasions de placement.
C’est l’été et tout devrait être facile. Les mesures de confinement ont été levées dans la plupart des pays. Les restrictions ont été assouplies et les gens ont repris goût aux voyages. Même pour les globe-trotters les plus compulsifs, de simples escapades prennent un air de nouveauté et de luxe. Le monde éclate à nouveau de toutes ses couleurs.
À présent, c’est la Chine, sujet le plus épineux de la macroéconomie mondiale, qui occupe nos pensées. Le pays prend énormément de place dans nos recherches et nos voyages depuis un certain temps (voir notre rapport spécial sur Beijing) .
Que penser de la récente intervention musclée de la Chine? Ne mâchons pas nos mots : les gens sont très critiques envers la Chine. La pandémie a mis les gens à cran, amplifié nos différences culturelles et masqué nos similitudes, au lieu de réveiller notre humanité (c’est une réaction que Freud appelait le « narcissisme des petites différences »). Les réseaux sociaux et les échanges d’idées tout aussi imaginatives que subversives n’ont fait qu’intensifier ces différences. Souvent, nos esprits sont préparés au conflit avant même que nous nous levions le matin.
On a tout entendu sur la Chine, allant du plus sauvagement populiste au soutien total du Parti communiste chinois (PCC), et il va falloir faire le ménage dans tout ça pour dégager des perspectives claires et cohérentes. Pour certains, le pays est une dystopie hideuse où la surveillance envahit les foyers et les libertés sont bafouées. D’autres considèrent que la Chine met en œuvre une stratégie nationale intelligente dans une région où le potentiel économique est sans limite. Beaucoup ne savent pas quoi penser de tout cela. Tout le monde semble analyser les mêmes données, mais arriver à des conclusions différentes.
L’Amérique et la Chine : Un découplage voulu?
Séparons les faits de la fiction. Au cours des deux dernières décennies, l’Occident a adhéré à l’idée que l’incursion de la Chine dans l’économie mondiale la rapprocherait d’une démocratie libérale. Et on se disait que tant que les capitaux, les biens et la main-d’œuvre pourraient voyager librement aux quatre coins de la planète, tout le monde prospérerait. Tout reposait sur une mondialisation sans entraves dans un monde où la Chine est la principale source d’approvisionnement bon marché et de demande abondante.
Visiblement, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Les bénéfices des multinationales n’ont pas augmenté de pair avec les salaires des travailleurs. Les inégalités de richesse se sont grandement accentuées. Les capitaux circulaient librement, c’est le moins que l’on puisse dire; les actifs financiers mondiaux représentent aujourd’hui plus de trois fois la valeur de l’économie réelle. Prenant presque tout le monde par surprise, au lieu de se rapprocher d’un système politique occidental, la Chine s’en est éloignée.
Avec le recul, le soi-disant « pivot vers l’Asie » d’Obama a toujours été un slogan naïf pour une transition aussi complexe. Il devrait maintenant être évident que la Chine trace sa propre voie. La dernière campagne de répression réglementaire en est un bon exemple. Beijing a montré que, contrairement à d’autres pays, la Chine n’a pas peur de fermer une industrie rentable pour atteindre ses objectifs à plus long terme.
À première vue, tout cela semble arbitraire et économiquement destructeur. Mais voyez la justification de la Chine. La refonte des établissements d’enseignement du pays qui ont été « détournés par le capital » (donne aux enfants des familles plus riches un avantage injuste et décourage les familles d’avoir plus d’enfants en raison du coût élevé de l’éducation) a du sens. Il en va de même de la protection des livreurs de repas en ligne contre l’exploitation numérique (en insistant sur le salaire minimum et d’autres droits fondamentaux du travail). Le plus important, briser les monopoles des géants technos pour mettre les petites et moyennes entreprises sur un pied d’égalité avec elles améliorera l’innovation globale à long terme. Est-ce que tout cela semble être une mauvaise politique? Pas vraiment. Difficile de discuter avec des gens qui font valoir de bons arguments, même s’il s’agit de gouvernements étrangers. S’agit-il de capitalisme sans contrainte? Non, mais c’est bon pour la santé de l’économie à plus long terme.
Personne ne devrait être surpris par tout ce qui précède. Ces initiatives réglementaires ont été abondamment annoncées des mois à l’avance. Notre équipe des placements avait liquidé toutes les expositions ciblées aux FNB technologiques chinois à la fin de l’année dernière, en grande partie en raison de ces préoccupations. La leçon demeure la même : le marché boursier chinois est grandement influencé par la politique (même si le PCC pourrait tirer une leçon ou deux en relations publiques).
Une autre perspective importante qui se perd dans la conversation concerne les liens commerciaux entre l’Occident et la Chine. Contrairement à la précédente guerre froide entre les États-Unis et l’ex-Union soviétique, alors que l’intégration économique était quasi inexistante, les États-Unis et la Chine restent étroitement liés. En effet, à une époque de plus en plus marquée par la concurrence géopolitique et une poussée vers le « découplage » économique, la finance occidentale n’a jamais été aussi proche de la Chine. Amundi, société française de gestion de capitaux, est devenue l’an dernier la première société étrangère à lancer une société de gestion de patrimoine appartenant majoritairement à des intérêts étrangers en s’associant à Bank of China. BlackRock, plus gros gestionnaire de capitaux au monde, a récemment confirmé avoir reçu l’approbation réglementaire pour lancer une coentreprise de gestion de patrimoine avec China Construction Bank. Les banques occidentales les plus dominantes à l’échelle mondiale s’implantent profondément dans le pays. La Chine les accueille volontiers, ouvrant plus que jamais ses portes aux entreprises étrangères.
La réalité est la suivante : la Chine va demeurer le marché à la croissance la plus rapide dans presque tous les domaines dans un avenir prévisible. Les ventes au détail de la Chine dépassent celles des États-Unis et la Chine est le plus gros marché de presque tous les biens de consommation, y compris les automobiles, les appareils électroniques personnels et les produits de luxe. Les entreprises étrangères n’abandonneront pas de sitôt le marché chinois.
La politique intérieure de Beijing a également apporté des ajustements importants depuis le début de l’Administration Trump pour se préparer à une longue guerre économique. Le meilleur moyen de lutter contre les politiques économiques isolationnistes et le protectionnisme est d’ouvrir davantage son économie. Ces dernières années, la Chine a somme toute abandonné les contrôles et les restrictions sur les biens appartenant aux étrangers. En bout de ligne, les capitaux vont là où les rendements et la croissance sont les plus élevés.
Retombées sur les Placements
Investir en Chine comporte des risques. Nous le savons. Que les investisseurs soient d’accord ou non avec la politique du gouvernement chinois n’a aucune importance : les investisseurs ont de plus en plus besoin d’être renseignés sur le pays. Une nouvelle page d’histoire marque le début du siècle asiatique. Une énorme part de l’humanité, surtout en Inde, n’a pas encore joint l’économie moderne. Comprendre ce monde de plus en plus axé sur la croissance en Asie et la manière dont ces régions sont interreliées dans notre écosystème économique mondial tentaculaire devient de plus en plus crucial pour réussir.
Que penser du repli des marchés chinois? Les actions de nombreux géants technos chinois ont chuté de plus de 50 % par rapport aux sommets atteints au début de l’année. Il est fort probable qu’on assiste à un rebond tactique. Pourtant, la valorisation du secteur technologique reste très élevée, comme c’est le cas dans la plupart des pays du monde. Cependant, la débâcle a provoqué des liquidations à l’aveuglette dans tous les secteurs d’activité (bien que la plupart ne soient pas dans le collimateur de la répression réglementaire chinoise). L’indice de valeur de la Chine, orienté vers les secteurs de la finance et de la consommation discrétionnaire, se négocie à un faible ratio cours-bénéfice et est bien positionné pour profiter des efforts de reflation émergents de la Chine et du nouveau cycle de crédit. Les organismes de réglementation chinois ont adopté un ton beaucoup plus constructif afin de rétablir la confiance des investisseurs à l’égard des marchés des capitaux nationaux. Les investisseurs devraient commencer à accumuler des positions dans ces titres.
À plus long terme, l’ascension de la Chine en tant que pôle économique indépendant est un énorme avantage pour les personnes chargées de la répartition de l’actif à l’échelle mondiale. Compte tenu de la divergence des orientations économiques et des politiques monétaires (en particulier par rapport à l’Amérique qui, dans la période d’après-guerre, est devenue le leader de facto de l’ordre mondial et de la stabilité économique), les tendances macroéconomiques de la Chine constituent de bons éléments de diversification. Les actifs chinois en sont le reflet, puisqu’ils sont parmi les plus faiblement corrélés avec les actions et les obligations du reste du monde. Comme les obligations d’État occidentales s’enfoncent de plus en plus profondément dans les taux négatifs (ayant récemment atteint des planchers records au chapitre des rendements réels), les investisseurs seront de plus en plus attirés par les rendements réels positifs du marché obligataire chinois. Notre équipe des placements va suivre de près la dynamique de la Chine au cours de la prochaine période. D’ici là, retournez à vos vacances, on veille au grain.

